Matéi Visniec nous encourage à explorer ce qu’il nomme lui-même le « théâtre vague », au travers d’une suite de tableaux, de « miroirs humains brisés ». Ce sont autant de scènes du quotidien qui repoussent les limites du réel en jouant d’un absurde aux ambiances oniriques.  À propos du parti-pris. Visniec est un univers. Un langage, des personnages, des situations : ici, tout fleure bon le théâtre. Rien qu’à la lecture, on se laisse emporter. On a envie de savoir. Savoir quoi ? … On ne saura rien, l’auteur ne donne pas les clés. Le spectateur forcera la serrure. Chacun emportera à la fin son petit trésor de questions et aussi son petit lot de réponses personnelles. C’est ça le théâtre que nous aimons. En préambule de son texte, l’auteur donne quelques consignes destinées aux aventuriers envieux de monter la pièce. En gros : « faites ce que vous voulez » … Pas de chronologie, pas de contrainte de scénographie ou de mise en scène. Pas de didascalies intempestives qui empêcheraient de rêver un univers personnel. La toile est vierge. Prête à l’emploi. A chacun d’y peindre ce qu’il veut… Du bonheur ! Alors, nous pouvons nous emparer sans vergogne de ces personnages et de ces situations décrites par le seul texte de Visniec. Souvent absurdes, les scènes des « Hérissons » (c’est comme ça que nous appelons la pièce…par commodité) se succèdent sans logique apparente. Il nous fallait donc inventer une scénographie un peu déroutante. L’idée d’un décor mobile, s’adaptant à toutes les situations et manipulé par les personnages eux-mêmes s’est très vite imposée. Un décor minimaliste mais important, apte à créer de l’intimité. Et puis, tant qu’on y est, allons jusqu’à la lumière du spectacle. Dans le même esprit : mobile, manipulée par les acteurs. Ainsi chaque scène crée sa propre atmosphère. L’absurde emplit notre quotidien (parfois à notre insu) alors, prenons un peu de recul et amusons-nous à l’observer pour mieux le reconnaître… un hérisson averti en vaut bien deux non ? Jérôme Goudour Novembre 2022